A suivre les
débats et déclarations qui ont suivi l’annonce des résultats des élections
régionales, on peut se demander si nos politiciens (notamment MR),
commentateurs et autres experts du côté francophone ont perdu le sens des
réalités.
Avec un peu de
bonne foi, il n’est cependant pas compliqué de tirer immédiatement des
enseignements assez clairs et simples du résultat des élections.
Sur le plan des
résultats d’abord : il y a un seul gagnant : Ecolo, en ce qui
concerne les perdants, cela dépend du point de vue où l’on se place : en
sièges il n’y a qu’Ecolo qui progresse; en voix le PS et MR perdent et le CDH
se maintient. Du point de vue des « forces en présence », le PS à la
main en Wallonie et le MR à Bruxelles.
Dans la pratique
cela peut se résumer ainsi :
Quelles que
soient les élucubrations intellectuelles auxquelles on peut se livrer, il est
difficile de proclamer une
« victoire » du MR à Bruxelles où il perd un siège même s’il devient
le premier parti. Il y a pour cela deux raisons: d’abord la coalition sortante
(tripartite) renforce sa majorité (grâce au score d’Ecolo) et on ne peut donc prétendre
qu’il y a désaveu de l’électeur Bruxellois, même s’il indique clairement un désire
d’une prise en compte significative du programme d’Ecolo en cas de reconduction
de la coalition actuelle; ensuite, parce qu’en appliquant les critères de
victoire concoctés par le MR, celui-ci se doit de reconnaître une
« victoire » parallèle du PS en Wallonie même si les deux partis
perdent des sièges car, malgré une régression plus importante du PS, celui-ci
reste très largement en tête.
Dans ces
conditions l’issue probable des négociations pour la formation des
gouvernements régionaux et communautaires se présente comme suit:
-
A
Bruxelles-Capitale, reconduction de l’olivier mais sous présidence Ecolo.
-
En
Wallonie, élargissement de la coalition actuelle à Ecolo sous présidence PS.
-
A la
Communauté française même coalition mais on peut se poser la question de savoir
si la présidence reviendra au PS ou si, par souci de souder les équipes autour
d’un programme commun ambitieux, ce poste sera proposé au CDH.
Il est clair que
du point de vue de l’efficacité, cette configuration est de très loin la plus cohérente. Elle permet aussi de donner
une crédibilité à la volonté affichée de réforme de la gouvernance et de
l’éthique, conditions non négociables pour Ecolo soutenu par le CDH et
acceptées par le PS.
Le MR devra donc
se résigner à poursuivre sa cure d’opposition au plan régional et
communautaire. Il faut espérer qu’il ne lui vienne pas à l’idée de jouer les
troubles fêtes par dépit en précipitant une crise au fédéral où le résultat des
élections de 2007 continue à légitimer totalement son maintien. Une telle
attitude serait entièrement irresponsable à la veille d’une reprise des
négociations communautaires qui s’annoncent difficiles au vu des résultats dans
le nord du pays, d’autant plus que le président du MR a été très clair sur la
nécessité de présenter un front francophone uni dans ce dossier capital pour
l’avenir des citoyens wallons et bruxellois. Provoquer des élections fédérales
anticipées, même en s’abritant derrière la crise de l’Open VLD serait
d’ailleurs une stratégie à haut risque pour le MR car l’électeur ne s’y
tromperait pas et risquerait fort de confirmer le recul du MR par rapport à son
score de 2007 et de 2009, lui ôtant du même coup ses ambitions au plan
national.
Si les choses
paraissent relativement claires du côté francophone, il ne faut pas sous-estimer
les difficultés, côté néerlandophone. En effet, les deux grands vainqueurs sont,
sans conteste, le CD&V et la NVa. Si
ces deux partis devaient gouverner ensemble, on se retrouverait en toute
probabilité dans la situation de blocage qui a prévalu à l’époque du
« cartel ». La prolongation de l’immobilisme ne pourrait manquer à
terme de renforcer la radicalisation de l’électorat flamand en faveur du
séparatisme (même s’il ne prend probablement pas en compte la vraie mesure des
conséquences d’une telle démarche). Les premières déclarations du Président de
la NVa n’augurent rien de bon en la matière. Par contre, le CD&V, qui est
incontournable, devra éviter de se laisser piéger par on aile droite dans la
polémique communautaire alors que les priorités socio-économiques induites par
la crise financière doivent être au centre des préoccupations.
La polarisation
de l’électorat flamand sur le flan droit de l’échiquier politique en même temps
que se profile en Wallonie un glissement sensible vers le centre-gauche ne
facilite en rien le rapprochement des points de vue.
Il reste à
espérer que ce ne soient pas les citoyens, tant flamands que francophones, qui
fassent, une fois de plus, les frais d’ambitions et d’intérêts personnels et
partisans qui ont trop longtemps dominé la scène politique belge. Il est plus
que temps que l’intégrité et la bonne gouvernance soient remis au centre du
débat et que des hommes d’envergure, avec un sens de l’Etat prennent résolument
en main les rennes du pouvoir.
Paul N.
Goldschmidt
Directeur, Commission Européenne (e.r.) ;
Membre du Comité Consultatif de l’Institut Thomas More.
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