L’article de Francis van de Woestijn dans la Libre
Belgique du 22 janvier 03 souligne avec pertinence les éminentes qualités
d’européen du premier ministre belge et de la manière appréciée dont il s’est
acquitté de la récente présidence belge de l’Union Européenne.
Comme il serait plaisant de pouvoir se bercer de
l’illusion qu’il pourrait émerger comme un candidat de consensus à la
présidence de la Commission.
Hélas, il faut se souvenir que le processus de
nomination requiert, en plus d’un accord des Chefs d’Etat et de Gouvernement, un
vote positif du Parlement Européen après audition du candidat proposé.
Il serait plus que fâcheux qu’à cette occasion un Parlementaire
attentif ne demande au candidat comment il entend gérer le « conflit
d’intérêt » qui ne manquera pas de se poser lorsque la prochaine Commission
devra faire valoir ses droits aux indemnités de retard prévus par le Protocole
d’accord sur le Berlaymont signé en Octobre dernier et dans la négociation
duquel le Premier Ministre a été très engagé personnellement.
Ce débat cornélien, où les intérêts des
contribuables européens et belges seront opposés, pourrait porter sur des
montants très considérables. La défense loyale des intérêts des premiers,
notamment vis-à-vis de l’Autorité Budgétaire (Parlement Européen et Conseil), ne
risque-t-elle pas de mettre le Président en difficulté vis-à-vis des seconds
qu’il représentait en tant que Premier Ministre lors de la négociation et
vice-versa ?
Un simple engagement de s’abstenir serait-il
suffisant ou même crédible ? Cela paraît difficile à admettre car le Président
ne peut se dégager de la responsabilité collective du Collège, ni ignorer
l’influence - même passive - due à sa fonction. De plus, ne faut-il pas
craindre que, quelque soit l’issue, la personne du Président ne fasse l’objet de
pressions et de contestations qui terniraient l’image de l’Institution et
affaibliraient son autorité ?
Bien sûr, ce problème ne se posera que dans la
mesure où le bâtiment n’est pas livré le 31.12.03 - ce qui est aujourd’hui la
position de B2000 et du Gouvernement - malgré une situation sur le chantier qui
reste très problématique. Cette date fatidique est néanmoins antérieure à la
prise de fonction de la prochaine Commission et il sera donc loisible de
vérifier si il y a lieu ou non de tenir compte, le cas échéant, d’un conflit
d’intérêt potentiel.
Connaissant l’attachement du Premier Ministre aux
questions de Gouvernance d’une part et étant aussi convaincu qu’il voudra
éviter à la Belgique un camouflet d’un rejet basé sur les retombées de
l’affaire du « Berlaymonstre » de l’autre, ne doit-il pas s’abstenir
de mettre en avant sa candidature pour ce poste prestigieux ?
Une mise au point rapide de la part de l’intéressé
aurait l’avantage d’éviter que cette question ne devienne un sujet de débat
dans le cadre de la toute proche campagne électorale en Belgique à moins que son
affirmation sur la VRT dimanche dernier ne puisse être déjà considérée comme un
refus définitif d’une telle candidature.
Les mêmes considérations s’appliquent
malheureusement également à l’autre candidat belge, Jean-Luc Dehaene dont il
faut aussi saluer la contribution indéniable aux travaux de la Convention dont
il est Vice-Président. C’est en effet sous son Gouvernement que les dérives du
Berlaymont ont débuté et il doit par conséquent en assumer, conjointement avec
le Gouvernement actuel, sa part de responsabilité.
Il est profondément regrettable pour la Belgique que
le refus de deux premiers Ministres successifs, par ailleurs forts compétents,
de traiter avec fermeté et en toute transparence les dysfonctionnements d’un
dossier aussi emblématique dont ils étaient parfaitement informés, pourrait les
disqualifier l’un et l’autre d’entrée de jeu pour occuper la Présidence de la
Commission Européenne ?
Bruxelles
23.01.2003