Il convient de
saluer l’étendue et la clarté du travail accompli par le
« Clarificateur » royal. Il soumet, par écrit, un ensemble cohérent –
de son point de vue – de réformes et de mesures, ce qui permet à chacun des
acteurs de se déterminer par rapport aux propositions spécifiques.
Il est cependant regrettable
que cela ait été présenté sous forme d’un ultimatum « à prendre ou à
laisser » plutôt que comme une « pièce à casser ». Il s’ensuit
que l’auteur devait savoir (et probablement vouloir) qu’il serait rejeté puisqu’il
ne laissait d’espace à la négociation que sur un nombre très limité de
modalités de mise en œuvre.
Cela étant, le
document n’en constitue pas moins une contribution importante au dossier de la
crise car il met en relief de nombreux points sur lesquels il serait possible
de s’accorder, notamment en ce qui concerne la longue liste des
« compétences » à transférer ainsi que l’autonomie fiscale des
entités fédérées.
Par contre, et en
contradiction totale avec un désir de simplification et de transparence
revendiqué par l’auteur, la Note fait l’impasse sur une discussion – en tant
que telle – de l’architecture institutionnelle du « Royaume Fédéral de
Belgique ». Celle-ci n’apparait, en filigrane,
qu’au travers de l’attribution des compétences, ressources et responsabilités
aux Régions et Communautés et dont le résultat est d’aggraver d’autant
l’imbroglio existant au niveau de la hiérarchie des normes législatives, tjudiciaires
et exécutives.
Il est tout à
fait certain que cette approche est délibérée, car elle permet, sans l’écrire,
d’émasculer la Région Bruxelles-Capitale et d’en faire une Région au rabais vu
le grand nombre de compétences dévolues aux Communautés, lesquelles n’entraînent
aucune conséquence en Flandre où Région et Communauté sont fusionnées.
Ce fait rappelle
– si nécessaire – combien la question de Bruxelles demeure le nœud gordien du
conflit.
C’est pourquoi,
comme j’ai eu l’occasion de l’écrire antérieurement, il y a lieu de se mettre
d’accord prioritairement sur la « structure institutionnelle » du
pays, en s’inspirant des meilleures pratiques en vigueur dans d’autres
Fédérations. Sur le plan de la simplicité et de la transparence une hiérarchie
claire et uniforme doit s’imposer où l’autorité Fédérale coiffe les Régions et
celles-ci les Communes. Sur cette structure de base peut alors venir se greffer
des accords de « coopération renforcée » à géométries variables entre
pouvoirs Fédéral, Régional et Communal dans les domaines de leur compétence et
financés exclusivement par les participants. Ces accords peuvent, de fait,
couvrir dans une très large mesure les dévolutions aux Communautés existantes
et proposées dans la Note, mais à la condition expresse de leur subordination
aux entités de tutelle.
Un deuxième volet
de négociation où il serait possible de prendre en compte des aménagements
spécifiques aux principes de base qui consacrent l’autonomie et l’égalité des trois
entités fédérées, concerne les privilèges des néerlandophones à Bruxelles, les
droits des francophones de la périphérie et le statut de la Communauté
Germanophone (pour cette dernière je m’en tiens, pour la simplicité, à la
recommandation de statu quo ou d’aménagements à négocier avec la Région
Wallonne contenue dans la Note).
Sans qu’il soit
envisageable de considérer les statuts spéciaux comme parfaitement « équivalents »,
un compromis serait de maintenir largement inchangé les droits personnels
(électoraux, judiciaires) des résidants de la périphérie – y compris ceux qui
découlent des facilités – d’une part et de pérenniser les privilèges des
néerlandophones à Bruxelles de l’autre. Pour garantir la stabilité à terme de
cet arrangement, il serait entendu que toute atteinte à ces droits remettrait
automatiquement en cause ceux des autres.
Il ne fait aucun
doute qu’une fois un accord trouvé sur l’architecture institutionnelle, il sera
beaucoup plus facile de s’accorder sur la dévolution des compétences, des
ressources et des responsabilités, laissant primer l’efficacité sur toute
considération d’ordre idéologique, linguistique ou particratique.
En conclusion, il
était clair que les trois partis francophones n’avaient d’autre choix que de
rejeter en bloc la Note de Bart de Wever et ils ont très bien fait de le faire
rapidement et sèchement pour éviter toute équivoque. Reste maintenant à se
remettre au travail en intégrant dans la réflexion et les négociations les
éléments positifs qui ont émergé au cours des quatre derniers mois, en ce
compris ceux contenus dans la Note.
Lorgues, le 18
octobre 2010
,
Paul N.
Goldschmidt
Directeur, Commission Européenne (e.r.) ;
Membre de l’Institut Thomas More.
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