
Les « 100 jours » de la Présidente Ursula van der Leyen doivent démontrer que l’intégration européenne est incontournable !
Les hasards du calendrier ont voulu que les mandats des dirigeants des plus importantes institutions européennes soient renouvelés quasi simultanément. Cela offre à cette nouvelle équipe une occasion unique de mettre en place une série de réformes informelles (ne nécessitant pas des changements de traité) qui pourraient améliorer considérablement l’efficacité de la « machine européenne » dont les rouages sont de plus en plus grippés.
Le blocage résulte d’une lutte de pouvoirs entre trois pôles concurrents qui – au nom d’une souveraineté/indépendance plus virtuelle que réelle – veulent chacun asseoir leur légitimité (démocratique ?). Il s’agit d’une part des Pays Membres de l’Union, représentés par le Conseil Européen; ensuite des Institutions communautaires (Commission – Parlement Européen – Cour de Justice – Cour des comptes, BEI, Agences, etc.) et enfin de la Banque Centrale Européenne (BCE) organe indépendant chargé de la politique monétaire de l’Eurozone.
Alors que le Conseil Européen fonctionne clairement sur un modèle « intergouvernemental » où chaque Membre défend ses intérêts et protège jalousement sa « souveraineté nationale », les Institutions opèrent selon des modalités hybrides où tour à tour leur caractère « supranational » ou « intergouvernemental » prend (formellement ou implicitement) le dessus ; enfin, la BCE est un organe de type « fédéral » mais dont les compétences limitées s’étendent seulement aux pays Membres de l’Eurozone.
Cette architecture byzantine est le résultat de 70 ans de transformations progressives de l’Union, notamment de ses élargissements successifs, des modifications du Traité, de l’introduction de la monnaie unique et une série d’accords en dehors du cadre formel du Traité. Cela a créé la nécessité d’incessants compromis – beaucoup réalisés lors de crises aiguës – qui ont débouché sur des décisions prises sous la contrainte et dans la précipitation. De surcroit, des exceptions, exonérations, opt-out et autres privilèges accordés, ainsi que la tolérance coupable du non-respect du TUE, de directives ou de règlementations, ont conduit progressivement à une paralysie institutionnelle et à l’impossibilité de réformes, mettant ainsi en danger la survie de l’Union.
A l’occasion du renouvellement de ses dirigeants, les médias consacrent beaucoup d’espace à décortiquer les défis auxquels l’UE doit faire face :
– La BCE semble être proche des limites de l’efficacité de sa politique monétaire et demande avec insistance une activation de politiques fiscales. Celles-ci compléteraient son action mais relèvent exclusivement de la souveraineté des Pays Membres soumis au carcan des règles budgétaires de l’UEM. A ce stade il est loin d’être certain qu’une nouvelle baisse des taux et une reprise d’achats d’actifs produisent les effets escomptés et ne conduisent à un renforcement de l’épargne de précaution (non rémunérée), au détriment d’une reprise de la dépense de consommation et de l’investissement.
– La Commission est prisonnière de règles contraignantes dans son monitoring budgétaire (notamment des pays de l’Eurozone) imposant une politique unique (austérité pour l’instant) peu compatible avec les conditions réelles d’un Marché Unique (en droit) mais encore fragmenté et non-homogène dans les faits. Cette situation est destinée à se maintenir tant qu’un budget, des ressources propres et une capacité d’emprunt autonome significatifs de l’UEM font défaut, interdisant des transferts indispensables pour pallier aux chocs asymétriques parmi ses membres.
– Le Conseil (ou l’Eurogroupe) n’arrive pas à compléter l’Union Economique et Monétaire, condition sine qua non pour assurer la pérennité de l’€ et faire face à la domination croissante du $. La règle de l’unanimité continue à octroyer un droit de veto à chaque Membre dans des domaines clés au nom d’une souveraineté nationale purement virtuelle dans un monde interdépendant (comme la saga du Brexit en fait une démonstration éclatante).
Ce constat déprimant ne doit pas faire oublier les progrès réels qui ont été réalisés depuis la création de l’Union Européenne et qui a préservé depuis 70 ans la paix entre ses membres. Cependant, avec la globalisation de l’économie et de la finance, avec le renforcement des tensions géopolitiques et la montée des populismes, avec les défis climatiques et migratoires, etc., ces efforts restent largement insuffisants et inadaptés aux défis actuels.
C’est pourquoi, il pourrait s’avérer constructif de s’inspirer de l’initiative que pris Herman van Rompuy, premier Président à temps plein du Conseil Européen en 2009, de rencontrer informellement Manuel Barroso, Président de la Commission hebdomadairement, ce qui révolutionna la coopération entre les deux institutions. Ainsi la Présidente Ursula van der Leyen pourrait suggérer à Christine Lagarde et à Charles Michel de se voir régulièrement pour coordonner leurs politiques et ainsi renforcer mutuellement leurs capacités respectives de réaliser leurs programmes.
Cette formule, qui relève exclusivement de la volonté des trois protagonistes et ne demande aucune intervention législative, pourrait être un signal fort que l’Union Européenne s’engage très résolument sur la voie de l’approfondissement de son intégration, laissant délibérément le Brexit et ses conséquences au second plan. Ce serait aussi un signal que l’UE ambitionne de jouer un rôle incontournable sur le plan international dans un monde multipolaire car c’est seulement au prix de la mutualisation de ses ressources humaines, physiques et financières que l’Europe tiendra son rang sur l’échiquier politique, militaire, économique, scientifique et culturel pour continuer à défendre les valeurs universelles qu’elle a tant contribué à forger.
Cher Paul,
J’espère que vous avez passé un bel été, à la lumière du soleil et de vos proches.
Félicitations pour la création de votre site internet, précis et élégant, qui ne manquera pas d’élargir votre notoriété et le cercle de vos lecteurs.
Je partage votre analyse de la situation de l’UE et je pense que le fiasco du Brexit va remettre « les pendules à l’heure » chez bien des eurosceptiques!
Votre suggestion de la mise en place d’une concertation périodique et informelle des trois piliers de la zone Euro, le Président du conseil, de la Commission et de la BCE serait une excellente initiative. Mais ces trois postes souffrent d’un déficit de légitimité car ils ne résultent pas d’un vote populaire et sont considérés comme des technocrates éloignés des réalités quotidienne des citoyens…
Enfin, comme disent nos amis britanniques: « Never blâmé anybody for trying »…
Bien amicalement,
Michel
Que voir une belle proposition!
Mais comment la promouvoir et qui prendra l’initiative de la mettre en oeuvre?
De fait, le citoyen européen lambda, qui déjà doit tâcher de s’y retrouver dans la compréhension du dispositif démocratique de son propre pays, est sans doute perdu devant la nécessité de comprendre la complexité des institutions européennes qui se perdent en lisibilité ce qui accroît sans doute sa méfiance à leur égard.
Donc, beaucoup de pain sur la planche pour expliquer.
Nulle envie de jouer le flatteur, mais ici le plumage se rapporte au plumage ! Bravo !
J’apprécie particulièrement au moment où j’use quotidiennement du corbeau et du renard pour tenter de ranimer un peu de mémoire chez mon épouse….
Je vous suis depuis longtemps et vous savez tout le bien que je pense de ce que vous écrivez.
Néamoins je souhaite réagir, j’espère que les trois personnalités liront votre texte et qu’ils auront le courage de le faire. Mon message est simple, JE SUIS DECU DE L’EVOLUTION DU MARCHER COMMUN; oui parce que je suis un ferme paraissant de Union européenne seule réponse à l’hégémonie des EU. Il y a 65 ans j’épousais une Française à qui le maire demanda si elle souhaitais prendre la nationalité Belge, la réponse fut non et la réaction du maire de me demander ce que j’en pensais. Ma réponse d’alors : Cela n’a vraiment pas d’importance car nous serons tous de citoyen de l’Europe Unie. Ou en sommes nous !? C’est le résultant et la confirmation que nous sommes dirigés en Europe par un ensemble politique de près de 75 % de personnes matures. La définition de la maturité est de savoir prendre des décisions en ayant bien préparé celles-ci en ayant vu les inconvénients possibles et les avantages, puis d’en tirer les conclusions. Ce qui n’est souvent pas le cas en plus que quand des décisions sont prise une partie des pays s’y oppose et font tout pour freiner leur introduction ou tout simplement capter la proposition sans vrais raisons.
Je ne suis pas politicien et suis déçu de la situation dans laquelle nous nous trouvons et suis honteux que des imbéciles ont menti à tout un peuple dont un peu plus de 50 % est aussi immature. Je souhaite encore là dans quelques années pour vivre le redressement car je crois in fine dans le bon sens des hommes.
Yves van de CALSEYDE
Cher Paul,
Bravo pour ce nouveau site qui allège et facilite sensiblement l’accès à ta lettre périodique.
Comme simple citoyen, sans compétence économique ni engagement politiquer spécifiques , mais européen convaincu ,
enthousiaste et parfois inquiet depuis près de soixante-dix-huit ans, j’y trouve toujours matière à réfléchir et orienter des choix.
Merci, et au plaisir de te revoir.
Anvers, le 25 Octobre 2019
Cher Monsieur,
Je suis un lecte ur assidu de vos lettres périodiques.
Elles m’intéressent beaucoup pour la simple raison qu’il y a chaque fois de nouvelles idées qui sont rendues public et qui m’inspirent. N’est-ce pas une obligation morale pour ceux qui ont des idées cohérentes de les exprimer. Du choque des idées… Même s’il l’ont n’est pas d’accord, il y de toute façon une fécondation à condition qu’un débat public permet de rendre public les alternatifs en jeux.
L’Europe a un urgent besoin d’idées nouvelles, en avant sur celles qui étaient valables il y a 10 ou 30 ans. L’Europe a besoin de renouveller son réservoir d’idees reçus et en partie dépassées ou figées.
Je me penche également sur la question: comment faire redémarrer le moteur européen? L’idée de consultations non formelles entre les trois ‘top’ européens n’est pas nouvelle. Certains invoquent l’argument qu’ils ne sont pas nommés de façon démocratique. Il faut plus que cet argument ‘léger’. Il faut surtout lier un nombre de conditions à l’idée de ces consultations mutuelles. Elles ont toujours eu place et elles le seront à l’avenir. Toutefois les conditions suivantes doivent être respectées: (a) ne sautez pas trop loin, tout en ayant un but final à l’esprit (p.e. une Europe fédérale et post-nationale), donc modérez à chaque pas les ambitions (sans tomber dans le piège des trop petits pas) afin que les idées puissant passer et contribuer à façonner cette Europe institutionele de façon positive; (b) laissez tomber les tabous, dont l’idée d’un développement en deux vitesses; (c) en dehors des instances officielles il reste toujours le groupe Spinelli (qui a un potentiel) et les mouvements de la société civile (dont UEF-International d’une façon indirecte).
Robert